Les sept vies du pain : Recette du pain à la sueur (French version)

Published by Friday, February 11, 2011 Permalink 0
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de Jean-Philippe de Tonnac

Click here for English version.

Panophiles délicats, esprits sensibles s’abstenir.

L’action de pétrir une pâte à pain de plusieurs kilos, abondamment hydratée, a constitué dans nos fournils, avant l’introduction des pétrins mécaniques, ni plus ni moins que ce que les Sioux Lakotas désignent sous le nom de I-ni-pi ceremony : séquestré volontaire dans une hutte de sudation, l’initié accomplit sa metanoia (μετάνοια) en  pleurant toutes les larmes de son corps. On ne saurait se présenter devant le Créateur qu’une fois l’âme dégraissée, affûtée.

Remplacez maintenant la hutte de sudation par un bon vieux fournil exigu, insalubre, étouffant, et vous aurez une idée de ce que fut l’effort de ceux qu’on a préposé pendant des siècles à cette tâche prométhéenne et qu’on désignait sous le nom de « geindre ». Geindre, celui qui geint. Simple. A lui, martyr boulanger, le dos cassé sur son pétrin, était dévolu les cinq tâches principales du pétrissage : frasage ; découpage ; passage en tête ; étirage ; soufflage. Huysmans, dans ses Croquis parisiens, en rapporte l’ambiance sonore. Et ça donne :

Gravure de Victor Gilbert,
La République Illustrée, 1886,
extrait de
Le Pain par Poilâne,
Le Cherche Midi, 2005.

« Ils grondaient, geignaient, criaient des mots inarticulés, poussaient des gémissements à fendre l’âme, battaient à grands coups la purée flasque. Han ! Han ! Han ! Han ! Clac ! Paf ! H… an ! et comme une couleuvre dans les anneaux roulent, le mastic se tordait sous leurs poings. Les corps ruisselaient, les boules de biceps dansaient dans les bras, les grosses gouttes de sueur perlaient au front et buvaient la farine amassée aux tempes. »

Coffre long en bois de hêtre bien dur, le pétrin était ainsi le théâtre quotidien d’un corps à corps musclé entre l’homme qui geint et la pâte. Rosa May, collaboratrice sur ce site, l’illustre délicieusement à sa manière : la photo de son bras prise par Jessica Brogan porte le titre : « My bread making muscles ».

Mais revenons à notre pétrin. Au cours de cette empoignade des plus bestiale, et compte tenu que l’exercice s’effectuait dans l’endroit confiné que nous avons dit, situé le plus souvent en sous-sol, à proximité immédiate du four, quelques décilitres de sueur suintaient des épaules, du front, du cou, du poitrail du boulanger directement dans la pâte. Le beau poitrail. Un peu comme s’il s’était agi de mettre en pratique le commandement biblique : « A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré » (Genèse 3 : 19). Jusqu’à temps que les hygiénistes du XIXe siècle viennent s’indigner des conditions de travail dans les fournils parisiens, la sueur de nos boulangers a donc hydraté le pain dont nos ancêtres ont cassé la croûte et qu’ils ont partagé. Le pain à la sueur du front, de tout le corps du boulanger. Nous y voilà.

De telle sorte que la recette du pain à la sueur est universelle. La voici, en exclusivité : farine panifiable, eau, levain ou levure, sel, eau + sueur. Qu’est-ce que la sueur apporte au pain ? Jean Lapoujade, responsable de la stratégie et du développement chez Poilâne, répond en disant que la pâte pétrie s’était enrichie très certainement de « matières azotées » et qu’elle avait plus de goût. Le pain que nous avons mangé autrefois était un pain à la sueur et c’est le goût de ce pain que les palais et les gosiers connaissaient et appréciaient. Cela ne veut pas dire que l’on ne transpire plus dans les fournils, mais qu’on ne transpire plus dans la pâte. Et que nous avons cessé de manger à la fois le corps du dieu fait homme, et celui du boulanger.

Avec la participation de Diane Castiglioni

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2 Comments
  • abdeu
    November 11, 2011

    I tried translating this into French:
    One of the simplest sandwiches one can make is a cheese sandwich. A cheese sandwich does along great with tomato soup or milk. To make my version of a cheese sandwich, you must first have two pieces of white bread, 4 slices of cheese, a frying pan, a spatula and butter. First, place two slices of cheese in between the slices of bread. Next warm up the frying pan and put you desired amount of butter on it (the more butter you put on the pan, the better your sandwich will taste). Next, put a slice of cheese on the top of the sandwich and flip the sandwich facedown on the pan and press down on the sandwich until the cheese at the bottom of the sandwich is golden brown and sticks to the break. Then, put another slice of cheese on the other side of the sandwich and flip the sandwich over with a spatula. After the cheese inside the sandwich has melted, and the cheese on both sides of the sandwich has turned golden brown, you are done. I have only tried this recipe with American cheese, I do not know how it will taste with another kind of cheese, but you are free to experiment.

    This is what I got:
    Un des plus simples sandwiches on peut faire est un sandwich au fromage. Un sandwich au fromage ne le long grande avec la soupe aux tomates ou de lait. Pour ma version d’un sandwich au fromage, vous devez d’abord avoir deux morceaux de pain blanc, 4 tranches de fromage, un poêle, une spatule et le beurre. Tout d’abord, placer deux tranches de fromage entre les tranches de pain. Suivant chauffer la poêle et mettez-vous la quantité désirée de beurre sur celle-ci (plus de beurre que vous mettre sur le plateau, le meilleur de votre sandwich goût). Ensuite, mettre une tranche de fromage sur le dessus du sandwich et flip face vers le bas sandwich sur le plateau et appuyez sur le sandwich jusqu’à ce que le fromage au fond du sandwich soit doré et colle à la pause. Ensuite, mettez une autre tranche de fromage de l’autre côté du sandwich et retourner le sandwich avec une spatule. Après le fromage dans le sandwich a fondu et le fromage sur les deux côtés du sandwich a tourné un brun doré, vous avez terminé. Seulement essayé cette recette avec du fromage américain, je ne sais pas comment il va goûter à une autre sorte de fromage, mais vous êtes libre d’expérimenter.

    Could someone please go over the French translation and correct any grammatical or other errors?

    MERCI!!!!!!!

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